Suzanne C. Wery

Octobre rose
15 octobre 2025

Nous voilà déjà au mois d’octobre, et bien que celui-ci rime avec lecture douce, plaid confortable et chocolat chaud, il résonne aussi à présent dans nos têtes comme « le mois rose ». Un mois pour mettre en lumière une maladie qui touche en moyenne 1 femme sur 10 en France. Un mois pour appeler aux dons et soutenir la recherche. Un mois pour rappeler aux victimes du cancer de seins qu’elles comptent pour nous.
Depuis quelques semaines, je cherche une manière de soutenir « Octobre rose » à ma façon. J’ai cherché autour de moi à participer à une course solidaire. Manque de chance, elles ont souvent lieu en soirée, ou à des dates qui ne collent pas à mon planning. J’ai alors pensé à reverser une partie de mes ventes à une organisation qui soutient les femmes atteintes d’un cancer du sein, comme le font élégamment certaines de mes collègues. Mais comme je ne parviens pas à me verser de salaire pour le moment, cela ne me paraissait pas une bonne idée non plus.
Alors, j’en ai parlé à ma meilleure amie et comme toujours, elle a su m’éclairer de sa lanterne clairvoyante. Elle m’a simplement répondu : « Tu sais, je crois qu’en parler autour de nous sans tabous et de sensibiliser les femmes, c’est déjà beaucoup ». C’est ainsi que j’ai décidé de vous donner quelque chose de précieux : mon temps pour vous écrire ces quelques lignes.


Cette histoire vraie est donc ma modeste contribution à « Octobre rose ».

En février dernier, j’ai eu le droit de faire ma première mammographie. Je venais de fêter mes 40 ans et ma gynécologue, malheureusement confrontée à de nombreux cas de cancers du sein chez des femmes de plus en plus jeunes, a préféré me prescrire cet examen.
Souffrant d’anxiété, accentuée par tout ce qui touche au domaine médical, j’étais forcément très angoissée. Mais peu importe, j’ai pris ce rendez-vous. Lorsque j’enseignais au collège, nous expliquions cet élan de solidarité aux élèves et depuis ce temps, j’avais pris pour habitude de programmer un rappel sur mon téléphone portable tous les trois mois pour faire un autoexamen. Sauf que depuis la naissance de mon fils, je ne le faisais plus vraiment.

Le jour de la mammographie, je n’ai pas pu être accompagnée, ce qui n’a pas aidé à réduire mon stress, mais il a fallu prendre son courage à deux mains et y aller quand même. Je savais, par ma mère, que l’examen n’était pas long, mais que la position n’était pas forcément très agréable.
Effectivement, la préparatrice a effectué les deux clichés radiographiques rapidement. C’était un peu désagréable physiquement, de voir sa poitrine comprimée ainsi, mais rien de plus pour ma part. Je suis ensuite retournée dans la salle d’examen et j’ai attendu. Attendu. Longtemps attendu. Quand la porte s’est ouverte du côté de la salle de radiographie, là j’ai eu très peur. La préparatrice devait refaire un cliché, sur ordre du médecin, car elle ne voyait pas suffisamment une zone. Je pense que vous l’aurez compris, j’ai commencé à réellement angoisser. De là, mille pensées, des centaines de projections ont inondé mon esprit déjà bien fertile. J’ai tout imaginé face à ces posters de prévention devant lesquels j’ai à nouveau dû patienter avant de voir la médecin. J’ai pensé à toutes ces choses bêtes qui m’inquiétaient avant de venir, comme la peinture que je dois faire depuis un an, le linge à repasser débordant du panier, et tous ces trucs finalement bien futiles qui me polluaient l’esprit. Je me suis imaginée devoir combattre cette fichue maladie en élevant un enfant de 3 ans et en pensant à lui, je me suis dit que je ne pouvais pas flancher.

Finalement, la médecin est arrivée. Elle a pratiqué une échographie en complément pour bien explorer chaque partie de mes seins, dont la zone suspecte. Après de multiples passages, elle m’a annoncé que j’allais bien. J’ai cru ne pas avoir bien compris. Alors, je lui ai redemandé si elle en était bien sûr.

En sortant, j’ai retenu mes larmes de décharge, face à ce stress causé par l’attente et l’exploration complémentaire subies. J’ai appelé mon mari pour libérer un peu mes émotions, puis j’ai attendu un peu dans ma voiture avant de prendre la route.

La journée s’est déroulée comme d’habitude et il a fallu que j’attende que mon fils soit couché pour reparler avec mon mari de cette peur qui ne m’avait pas quittée depuis le matin et je me suis sentie chanceuse. Chanceuse et soulagée.
Alors, je me suis posée sur mon canapé, afin de décompresser, devant une série probablement sans intérêt majeur. Et c’est là que le téléphone a sonné. Un message d’une copine de fac. Elle m’annonçait qu’une amie commune allait commencer une chimiothérapie la semaine suivante pour se battre contre un cancer du sein. Une amie de mon âge. Une mère d’une petite fille de 2 ans.
On a l’habitude de dire « Ça n’arrive pas qu’aux autres », mais là c’était le cas. Sauf que les autres, ce sont nos sœurs, nos mères ou nos amies. Alors, surveillez vos seins ! Regardez comment pratiquer l’autopalpation à la maison et parlez sans hésiter à votre médecin de tout changement significatif. Et surtout, faites vos mammographies de contrôles !
Un cancer pris à temps est un cancer contre lequel on a plus de chances de survie. Alors, je sais que ça fait peur, mais faites-le !

Je ne courrai peut-être pas, vêtue de rose. Je ne pourrai sans doute pas faire de don cette année. Mais peut-être qu’avec mes mots, j’aurai réussi à convaincre une femme de plus de se faire dépister.

Je dédie ces mots à mon amie, pour qu’elle sache que je pense à elle. Elle m’impressionne par sa force et sa détermination. Et ce, depuis toujours.